«Le digital sera la colonne vertébrale de l'univers média»
«Le paysage médias en 2020». Tel est le titre de l'étude prospective présentée jeudi soir par l'Udecam, l'association qui fédère les agences médias françaises, en partenariat Microsoft, Le Figaro et HEC Paris. Est-il bien raisonnable de se projeter aussi loin? «C'est un exercice de prospective, et non de prévision, souligne Sébastien Danet, président de ZenithOptimedia France (filiale de Publicis Groupe) et secrétaire général de l'Udecam. A la différence de la prévision pour laquelle on fait des exercices à 3 ou 5 ans, avec la prospective, on travaille plutôt sur 5 à 10 ans. Nous pensons qu'il est intéressant de nourrir une vraie réflexion sur le paysage médias dans dix ans, avec des scenarii plus lointains, et donc plus imaginatifs». Au cœur de ces réflexions sur les nouveaux usages des médias, susceptibles de bouleverser les équilibres, l'Udecam envisage deux scenarii pour le marché français. L'un, très dur pour les médias traditionnels, pourrait se résumer, selon Dominique Delport, président de Havas Media France (filiale du groupe Havas) et président de l'Udecam, aux «invasions barbares». «La Silicon Valley prendrait le pas sur Hollywood, transformant ainsi le paysage audiovisuel européen. Ce sera un futur sombre pour les médias traditionnels. L'autre scénario, baptisé «L'Empire contre-attaque», donne du baume au coeur aux patrons de médias - dont la presse - à travers une reprise économique et donc publicitaire plus forte, permettant à tous ces groupes d'investir sur leurs transitions numériques. Quel que soit le scenario, nous serons de plus en plus digitalisés à horizon 2020. Les «digital natives» qui ont grandi avec des ordinateurs et des smartphones dans la main, représenteront 30% de la population. Cela aura forcément un impact sur la consommation des médias. Dans ce second scenario, on voit que l'Empire réussit à construire un vrai avenir numérique lui permettant de résister face aux envahisseurs venus de ce monde purement Internet», explique Dominique Delport.
Comment les médias doivent-ils se préparer à ces profonds bouleversements numériques? «Il y a une mutation digitale à opérer. Elle a d'ailleurs démarré pour certains, avec plus ou moins de succès. L'intérêt du second scenario est basé sur une part suffisante de ressources publicitaires pour financer cette mutation et sur le fait de donner du temps aux médias pour soit se consolider dans des paysages parfois trop fragmentés, soit se capitaliser. Cela donne donc du temps et des moyens pour avoir la capacité de financement, par croissance ou par acquisition, de se numériser progressivement et de pouvoir être diffusé sur les terminaux de demain», souligne Sébastien Danet. Et Dominique Delport de préciser: «Il faut bien comprendre que dans ce paysage digital, les acteurs sont mondiaux: Google, qui a verrouillé la recherche, Facebook sur le social, et Apple sur les contenus, travaillent à échelle de la planète. Pour les acteurs nationaux (comme la majorité des grands groupes médias en Europe), il est très compliqué d'investir au même niveau que ces grands acteurs. En revanche, Microsoft est dans une démarche beaucoup plus collaborative parce qu'il est déjà présent dans l'essentiel des entreprises avec ses logiciels, au gré d'une stratégie plus globale».
Interrogé sur la concentration dans les médias, Sébastien Danet estime «qu'il faut qu'elle s'accélère», à travers «des alliances entre acteurs complémentaires, mais qui, pour le moment, sont plutôt en retard et pas assez nombreux». Selon Dominique Delport, «le mélange contenus et technologie est un mélange gagnant. Plus il y a aura de tablettes et de télévisions connectées, plus le Web, plébiscité par le grand public français, rentrera dans la télé et dans les appareils portables pour permettre une expérience différente. Il faut juste que ce soit équilibré et que les annonceurs, qui financent le système, puissent s'y retrouver dans leurs connections avec les acheteurs», assure-t-il. Du côté des agences médias, les bouleversements numériques pourraient se traduire à horizon 2020, «dans l'hypothèse où le modèle n'explose pas, par la capacité d'entrer dans des métiers complémentaires de production de contenu (ou «brand content») ou de placement de produit. Par ailleurs, sur la partie technologique, notre métier sera plus centré sur les données, plus mathématique. Nous devrons donc constituer un achat d'espace plus automatisé», selon Sébastien Danet. «Le digital devenant la colonne vertébrale de tout le paysage médias, on observera, sur la partie achat d'espace, une financiarisation, un peu comme dans les marchés financiers. Des modèles de cotation devraient tourner 24h/24. Reste à savoir comment les agences de communication vont créer de la valeur, en évitant les phénomènes de trading non maîtrisés. Nous sommes en tout cas très confiants. Il faudra toujours prouver que nous connaissons le consommateur dans son évolution. C'est en tout cas passionnant et cela dessine un avenir porteur et mobilisateur pour les agences médias», conclut Dominique Delport.
Source : Le buzz média du Figaro